Sophie Guichard est enseignante agrégée en mathématiques depuis 2003, au lycée Branly (Vaise). Passionnée par son métier et de nature créative, c’est l’éducation de sa fille qui a aiguisé son écoute des besoins auprès des élèves dans sa classe. Elle cherche dès lors à s’adapter à tous, pour que chacun apprenne par lui-même, à sa vitesse.

A ce moment-là, sa principale problématique est la gestion de l’hétérogénéité de ses groupes. Guidée par la volonté « de rendre l’élève autonome en intervenant le moins possible », une solution émerge lorsqu’elle a l’expérience d‘étudier elle-même à son rythme, à partir des vidéos proposées à la Khan Académie. En 2010, cette solution innovante l’inspire, elle commence alors à produire les premières vidéos qu’elle héberge sur sa propre chaîne You Tube Mathenvideo.

D’abord utilisées dans la logique d’une pédagogie inversée, Sophie s’aperçoit que les vidéos répondent aux besoins des élèves mais également des parents. Comprenant mieux sa pédagogie, ils sont plus aptes à aider leur enfant à la maison. Elle ne tarde pas à intégrer ses vidéos à ses cours, qui deviennent un véritable outil de différenciation pédagogique. Grâce à l’usage de QRCODE, les élèves les consultent directement au sein même de sa classe, quand ils en ont besoin. L’essentiel est d’avancer dans son programme, si le travail doit être finalisé à la maison, il le sera.  Chacun peut ainsi avancer à son rythme, tout en suivant les jalons temporels posés par l’enseignante.

2020, arrive la période du confinement. Son système est en place, il fonctionne, il fait véritablement vivre la continuité pédagogique. Oui, il facilite les apprentissages, chaque élève apprend à son rythme, même à distance. Mais, une nouvelle fois, elle pousse son questionnement plus loin.

Sa logique la pousse à poursuivre son acculturation aux questions de la pensée visuelle et de la facilitation graphique, au-delà du monde de l’éducation. Cela lui permet de développer sa propre identité visuelle et d’approfondir l’ergonomie de son livret. Le support pédagogique de ses élèves change de format. Elle transforme l’orientation de son format « portrait » vers une présentation au format « paysage ». Il facilite la lecture et la prise des informations, et permet un prolongement plus fluide entre le format de l’écran et la feuille de cours. C'est un moyen plus efficace de proposer le modèle et l’entraînement. Son outil laisse une place de choix au vide, ce qui le rend plus fonctionnel et inspirant. Dans sa discipline, les élèves n’ont pas besoin de démonstration. Ils ont besoin de pratiquer, dans un cadre rassurant. Dans son livret, chaque signe graphique a une signification précise. En effet, ce sont des codes que ses élèves sont en mesure de comprendre, de s’approprier et de dépasser. Ce sont des points techniques à respecter, des autocorrections à consulter.

Chaque livret est une étape de la progression spiralée mise en place par Sophie dès l’origine de sa pratique professionnelle. Les notions sont abordées progressivement, les élèves y reviennent périodiquement, pour aller toujours plus loin dans les concepts. Une graduation sur la couverture du livret permet de suivre la place de la nouvelle leçon dans le programme annuel.

Aujourd’hui, quand vous entrez dans les classes de BTS "systèmes numériques", 1ère et 2ème années de Sophie Guichard, vous découvrez trente-et-un élèves au travail, en harmonie, autonomes. Le programme est donné à voir de manière très graphique sur le tableau.

Dès le début du cours, les élèves entrent, s’assoient, sortent leur tablette ou leur cahier et leurs indispensables écouteurs. Ils entament l’heure de mathématiques, par une activité de calcul ritualisée, leur permettant de réinvestir ce qui a été vu lors du cours précédent. S’en suit un point d’institutionnalisation qui permet à chacun de savoir où il en est, avant de se lancer, à son rythme, dans la séance à construire à partir de son livret.

Tout le groupe respecte la rythmique et le tempo. Ainsi, si vous pensez que la présence de Sophie n’est plus vraiment utile, vous vous trompez. C’est tout le contraire, elle est indispensable ! En observant le groupe classe, on remarque des étudiants, qui après avoir joué quelques opérations, lui lancent un regard, et viennent vers elle formuler une demande. Vous verrez Sophie, telle une cheffe d’orchestre, répondre individuellement à leur sollicitation, pour les guider, les rassurer ou valider leur travail. Son pari est réussi, ses élèves sont autonomes. Confiants et heureux d’apprendre !