La lecture et la compréhension de l’écrit me semblent être une tâche centrale de mon enseignement en tant que professeure de lettres. Aussi, depuis des années, je teste, j’expérimente, je crée des outils pour faire de mes élèves des lecteurs autonomes. Si je peux me satisfaire d’avoir réussi à mettre en place un cadre de travail serein, dans lequel tous les élèves prennent la parole et sont acteurs de leur pédagogique, il me semble que mes méthodes de travail pourraient être encore améliorées concernant le rendu final de l’analyse de texte – autrement dit : la rédaction de la trace écrite. C’est pourquoi, je recherche des collègues souhaitant échanger et travailler autour de cette problématique.

• Constat

Ce travail de réflexion et d’expérimentation part d’un constat : la compréhension et l’analyse de textes chez mes élèves collégiens étaient longues, rébarbatives voire soporifiques, peu confortables pour eux comme pour moi. Difficile de faire saisir la problématique d’un texte, ses richesses esthétiques, ses ressorts argumentatifs à l’aide de quelques questions tirées d’un manuel ou posées par mes soins. De plus, ces dernières peuvent être un vecteur d’angoisse chez certains élèves. En effet, elles les invitent à trouver LA bonne réponse, l’UNIQUE, celle que le professeur attend parce qu’elle est JUSTE. J’avais le sentiment de juguler l’esprit de mes élèves. Ceux qui étaient à l’aise avec la compréhension d’un texte ne sortaient pas de leur zone de confort, ceux qui avaient plus de difficultés n’osaient pas donner de réponse - par peur de donner la mauvaise réponse. J’étais confrontée à une gestion de classe délicate car certains s’ennuyaient quand d’autres essayaient de comprendre les lignes qui étaient sous leurs yeux et perdaient peu à peu confiance en eux. Cela pouvait donner lieu à des échanges compliqués avec mes élèves, certains refusaient même d’essayer car ils prévoyaient l’échec.

• Des îlots pour encourager la participation

J’ai donc pris la décision de déplacer mes tables, de mettre mes élèves par petits groupes, et de descendre de mon estrade pour travailler avec eux. J’ai d’abord élaboré des questions en fonction de groupes de besoins mais je me suis vite rendu compte que cela n’était pas profitable à tous. J’ai compris que celui qui explique gagne autant que celui qui reçoit l’explication. C’est ainsi que mes îlots sont apparus – des îlots hétérogènes et, ainsi, j’ai pu aller plus loin dans l’analyse de textes. Chaque îlot avait une série de questions différentes des autres. De ce fait, lors de la restitution en plénière, nous pouvions travailler tous les axes que j’avais choisis de traiter et que le texte nous offrait. Les îlots ont été une réelle réussite. Tous les élèves osent prendre la parole. Tous sont poussés à participer par leurs pairs. La parole est libre et les réponses dites « fausses » peuvent être dites sans le poids de la classe entière et le regard pesant de l’enseignant. Si j’avais trouvé ma façon de gérer ma classe, la question de la manière d’analyser un texte n’était - pour autant -  pas résolue. En effet, la correction des questions était chronophage.

Ma collègue de français, Madame Barbara FERRE, professeure de Lettres classiques dans mon établissement et en charge des mêmes niveaux que moi, rencontrait les mêmes difficultés. Ensemble, nous avons cherché comment rendre cette analyse efficace. Les programmes de français de 2018 ont été le support à la construction d’un document commun qui permettrait de faire émerger des « débats interprétatifs » dans nos classes afin de mettre en évidence les « effets » des textes sur le lecteur. Le but était de construire un document permettant à nos élèves d’accéder à ce « travail d’interprétation et d’élaboration d’un jugement argumenté » énoncé dans les programmes. Nous voulions les doter d’automatismes qui les amèneraient à comprendre et à analyser n’importe quel texte au sortir du cycle 4.

Nous nous sommes inspirées du travail de Cécile Malin pour imaginer un tableau à plusieurs entrées. Ce dernier reprenait les questions qui permettent de définir la situation d’énonciation d’un texte. Les élèves devaient « être capable de justifier (leur) interprétation en s’appuyant précisément sur le texte. » Nous avons ajouté une autre colonne qui invitait les élèves à noter les mots ou les idées qu’ils voulaient retenir de ce texte. Ce tableau a été très bien accueilli. Nous avons été très surprises par leurs retours notamment sur la colonne « idées à retenir ». En effet, dans de nombreux îlots, les problématiques littéraires apparaissaient. Les élèves saisissaient les intentions de l’auteur. Ils touchaient du doigt l’analyse laissant très vite de côté la partie « compréhension ».

Nous avons fait évoluer ce tableau et l’avons transformé en carte mentale. La forme nous apparaissait plus agréable. Nous avons été très satisfaites de ce document. Néanmoins, la problématique liée au temps était toujours là. Nous avions réussi à trouver un document qui permettait de travailler à la fois sur la compréhension et l’analyse de texte. Nos élèves travaillaient de manière autonome, avec des automatismes et des outils d’analyse qu’ils avaient eux-mêmes découverts. Le gros point noir était que ce travail nous prenait encore trop de temps car nous voulions que nos élèves arrivent à rédiger une trace écrite.

Il a été plus compliqué de poursuivre cette réflexion en binôme car Madame Barbara FERRE a changé d’établissement. J’ai donc expérimenté de nouvelles approches dans mes classes pour rendre ce travail de compréhension et d’analyse des textes toujours plus efficace.

• La classe inversée

J’ai ainsi expérimenté une autre méthode. J’ai proposé à mes élèves de prendre connaissance du texte à étudier - en amont du cours – en dehors du temps de la classe. Je mets à leur disposition une lecture du texte à voix haute que je dépose sur l’ENT du collège. Leur travail consiste à lire le texte et à chercher la définition des mots dont ils ne comprennent pas le sens afin de la (ou les) partager au retour en classe. A cela, j’ai ajouté une question : « Notez vos réactions à la première lecture du texte sous forme de nuages de mots OU de carte mentale OU de paragraphes OU de dessins (pour ceux qui le souhaitent, vous pouvez répondre à ces questions : qu’est-ce qui vous semble important ? Quelle est votre réaction face au texte proposé ? Que ressentez-vous ? qu’imaginez-vous ?) » Lorsqu’ils arrivent en classe, les élèves partagent leurs impressions de lecture entre eux. L’élève qui a pour rôle « émissaire » rapporte les idées de l’îlot. J’ai pu ainsi être confortée dans l’idée que partir des réactions des élèves face au texte proposé me permettait d’accéder tout de suite à la problématique et donc à l’analyse. Les élèves répondent entre eux à leurs questions de compréhension s’ils en ont, ils élaborent des hypothèses de lecture et par ce biais des questionnements. Je n’ai besoin d’intervenir que lors de situations bien précises (élèves en situation de handicap ou en grandes difficultés sociales/scolaires). La problématique est par conséquent rapidement posée. Reste à y répondre. Je les guide – leur propose plusieurs outils d’analyse – nous travaillons directement sur le texte - et nous rédigeons ensemble la trace écrite. Le système de classe inversée me permet d’alléger le travail de copie en classe. Le cours est déposé sur l’ENT et les élèves doivent le recopier.

• les petits papiers dans une classe flexible

J’ai cherché à améliorer ce moment de travail en classe entière pour que tous puissent participer à cette construction de sens et d’analyse. J’ai conservé la partie lecture et recherche des définitions des mots non compris. De retour en classe, nous avons toujours ce temps d’échange sur le lexique. Puis, un temps est délimité pour une relecture seule du texte. Pendant ce moment, les élèves doivent noter sur des petits papiers, à leur disposition, leurs réactions face au texte, leurs hypothèses de lecture, leur ressenti. Une idée par papier est déposée au centre de l’îlot. A la fin du temps imparti, les élèves sont invités à trier les papiers annotés sur leur îlot afin de choisir celle qu’ils ont envie de développer. Ils doivent construire une trace écrite par îlot dans laquelle ils vont justifier leur idée principale. Pour que tous puissent participer activement à cette élaboration du cours, les chaises sont retirées et de grandes affiches s’invitent sur les tables ou les murs. Chaque îlot a donc son espace de création. Chaque élève de l’îlot peut ajouter, modifier, discuter les axes de lecture qu’il souhaite développer. « L’émissaire » fera le retour de ce travail, à l’oral, en plénière.

Le retour de mes élèves est précieux. Ils m’indiquent qu’ils ont progressé - surtout à l’oral. Ils osent prendre la parole, développer leurs propos et le défendre. Leur confiance en eux est développée. Ils sont dynamiques, apparaissent enthousiastes, acteurs dans la construction du cours. Nous avons réussi à valider de nombreuses compétences et connaissances associées.

Cette manière de travailler est enthousiasmante. Néanmoins, je me sens bien seule avec mes interrogations, mes doutes et mon envie d’aller encore plus loin dans le perfectionnement de cette technique. En effet, l’activité de rédaction de la trace écrite individuelle demeure une problématique à ce jour. Mes élèves n’ont pas le temps de la pratiquer en classe. C’est pour cette raison que j’aimerais trouver ou construire un groupe de travail avec des collègues désireux de partager leurs réflexions et méthodes sur la manière d’atteindre ces compétences : CONTRÔLER SA COMPRÉHENSION, DEVENIR UN LECTEUR AUTONOME.